jeudi 16 décembre 2010

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes - Stieg Larsson

Ils sont rares ceux qui sont passés à côté de la célèbre trilogie Millénium du journaliste et romancier Stieg Larsson.

Pour nos amis blogueurs et lecteurs, passionnés ou non de littérature policière, qui ignoreraient encore Millénium, celle-ci est composée des Hommes qui n'aimaient pas les femmes (tome 1), La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette (tome 2) et La reine dans le palais des courants d'air (tome 3).

J'ai choisi de vous parler du premier tome.

Lorsque je l'ai lu pour la première fois, à l'automne 2007, j'étais loin d'imaginer que je tenais entre les mains un futur succès littéraire. Pourquoi ce livre me direz-vous ? Au départ, une simple curiosité plus qu'une envie réelle ; le titre du roman m'avait beaucoup interpellé et c'est d'ailleurs pour celui-ci que je l'avais choisi, bien plus que pour la triste et peu engageante couverture. Puis, rapidement, la trilogie a défrayé la chronique et l'année 2008 a été la consécration, le phénomène littéraire et médiatique sans précédent, presque irrationnel, sans oublier sa version cinématographique en 2009.

Avant l'histoire, il me faut évoquer son auteur, le Suédois Stieg Larsson. Terrassé par une crise cardiaque en novembre 2004, après avoir remis les trois tomes de Millenium, Stieg Larsson était surtout connu pour son combat politique et idéologique, à la tête, notamment, de la revue Expo, décrite comme une revue suédoise, observatoire des manifestations ordinaires du fascisme.

Actes Sud, 575 pages
Mickael Blomkvist, la quarantaine, journaliste indépendant, co-fondateur avec Erika Berger et Christer Malm du magazine Millenium, vient d'être lourdement condamné pour diffamation après avoir publié des informations peu flatteuses sur un puissant spéculateur dénommé Wennerström. La crédibilité de Mickael ainsi que son magazine en ont pris un coup. Il décide alors de s'éloigner de la rédaction du journal et quitte même son travail. Contre toute attente, il est contacté par un riche et vieil industriel, Henrik Vanger, qui, après avoir obtenu des renseignements auprès de la société Milton Security, lui demande de relancer une enquête abandonnée depuis quarante ans, celle sur la disparition mystérieuse de sa petite nièce Harriet. En échange, le vieil homme lui fournira de quoi faire tomber Wennerström et une rémunération conséquente. Mickael Blomkvist s'installe donc dans le nord du pays, sur l'île des Vanger et commence ses investigations, davantage motivé par les promesses de l'industriel que par l'étrange disparition de la fille. Pourtant, progressivement, Mickael va se prendre au jeu... Au même moment, une certaine Lisbeth Salander, jeune femme asociale de 25 ans, portant tatouages et piercings, et surtout redoutable hacker, réalise en parallèle, pour le compte de la société Milton Security, un véritable travail de détective sur notre fameux journaliste...


Mon avis : Stieg Larsson a écrit un roman haletant, prenant même. L'intrigue avec ses nombreuses ramifications est bien construite mais le succès vient en grande partie selon moi grâce aux deux personnages principaux - Mickael Blomkvist et la charismatique et atypique Lisbeth Salander- qui portent véritablement cette oeuvre. Les personnages ont une réelle psychologie et sont vraiment incontournables.

Le style, souvent inégal plutôt démonstratif, est net et parfois cru ; on y relève de temps à autre des passages violents. Mais le suspense est au rendez-vous, le rythme est bien cadencé. Nous découvrons avec ce roman un autre visage de la Suède.

Après ces éléments positifs, j'observerai aussi des défauts : je reproche à l'auteur quelques longueurs ; les cent premières pages peuvent décourager le lecteur mais on peut comprendre aussi que l'auteur ait voulu prendre son temps pour mettre en place le décor. Ensuite, quelques lourdeurs dans le détail peuvent apparaître comme rébarbatives, enfin on y retrouve beaucoup de scènes à caractère sexuel qui n'apportent rien de plus au récit.

En résumé, si l'on peut relever des imperfections ou des lacunes tout au long du premier tome, l'ensemble reste de bonne qualité et l'on ne peut que regretter la mort prématurée de l'auteur suédois.

vendredi 19 novembre 2010

Esclaves - Kangni Alem

Après quelques semaines d'absence, me voici de retour sur le blog avec la présentation du roman Esclaves, de Kangni Alem, auteur africain que j'ai découvert récemment.

Né à Lomé en 1966, Kangni Alem est le fondateur de l'Atelier Théâtre de Lomé, l'une des compagnies les plus avant-gardistes du Togo, avec laquelle il a signé, entre autres, la mise en scène de Mère Courage de Bertolt Brecht. Nouvelliste, dramaturge, traducteur, Kangni Alem est également critique littéraire et a enseigné aux universités de Wisconsin-Madison aux Etats-Unis et de Bordeaux-III en France.

Lattès, 260 pages
Nous sommes au XIXe siècle, dans une période douloureusement tourmentée par la traite négrière clandestine entre le Bénin et le Brésil qui ronge les côtes jusqu'à l'intérieur des terres. En sa qualité de Maître de cérémonie et allié du roi Adandozan, un notable d'Agbomè tente de se soustraire à la vengeance infernale et oppressante de Gankpè - futur Ghézo -, qui a vu en lui un sérieux obstacle à l'assassinat manqué de son protecteur. Il prend la fuite mais la milice féminine de Ghézo parvient à l'arrêter à Comé. La sentence aurait pu être terrible mais au lieu de lui trancher la tête, le chef des amazones, Nansica, le viole, le réduit en esclave, comme toute sa famille et le vend à un négrier de Porto Seguro, actuelle ville brésilienne du littoral sud de l'Etat de Bahia. L'ancien Maître des cérémonies devient alors Miguel et se retrouve au Brésil, en 1818, au service d'un potentat ayant sous ses ordres un millier d'esclaves. Miguel se lie d'amitié avec l'un d'eux, un vieil haoussa, prénommé Sulé, musulman lettré, lequel lui apprend l'arabe et le portugais mais surtout le convertit à l'islam et aux idées antiesclavagistes. Comme acteur de premier plan, Miguel participe alors à l'insurrection des esclaves de Bahia...

Mon avis : l'auteur développe un thème âpre et exigeant. Il parvient avec brio à restituer ses personnages dans un contexte historique très délicat et finalement fort peu connu du grand public. Le lecteur est fasciné par cette intrigante complexité, par les machineries et les tractations des uns et des autres ; le lecteur tente d'imaginer et de se représenter la pression constante exercée par les négriers envers l'élite africaine.

Un style limpide, une écriture libre, le récit basé sur une succession de faits authentiques est construit sur de nombreuses rétrospections, développe plusieurs histoires, ce qui peut donner lieu, parfois, à une lecture difficile.

Quoi qu'il en soit, on saluera le travail remarquable de l'écrivain, fort bien documenté, accompagné d'une datation rigoureuse ; il a su apporter des éclairages sur cette période peu traitée dans la littérature.

Je vous invite à découvrir cet auteur et à vous plonger dans cette histoire.

mardi 19 octobre 2010

Le Tambour - Günter Grass

Le Tambour, écrit en 1959 sous le titre original Die Blechtrommel, publié en France l'année suivante, est le premier roman de Günter Grass (né en 1927) et, accessoirement, son chef d'oeuvre absolu. Ce livre fait d'abord sensation en Allemagne, pays de l'écrivain et peut être considéré comme le modèle canonique des récits consacrés à la réflexion sur les années qui ont suivi l'arrivée de Hitler au pouvoir.

A la fin des années 1970, ce roman est adapté au cinéma par Volker Schlöndorff.

Points, 625 pages
Quelques années après la guerre, un jeune homme, Oskar Matzerath, originaire de Danzig, proche de la frontière polonaise, est interné dans un asile psychiatrique où il écrit ses mémoires. Il raconte sa vie à un certain Bruno, gardien de son état, avec qui il s'entend très bien, lequel vient le voir quotidiennement. A l'occasion de son troisième anniversaire, Oskar reçoit un tambour de tôle aux couleurs de la Pologne (rouge et blanc) et décide à cet instant de ne plus grandir, rejetant avec force la médiocrité des adultes, préférant se réfugier dans un monde chimérique. Par le simple fait de sa volonté, Oskar interrompt sa propre croissance. En observateur attentif, piégé délibérément dans un petit corps lui permettant toutes les fantaisies, Oskar ne communique quasiment plus que par le jeu de son tambour et par sa voix "vitricide", capable de briser le verre à distance. Un jour, un malencontreux concours de circonstances fera qu'il sera accusé de meurtre, accusation qu'Oskar laissera courir sans démentir...

Mon avis : ce pavé de plus de six cents pages se lit avec avidité. Il n'est pas systématiquement d'un abord facile pour tout lecteur qui en vient à découvrir l'univers de Günter Grass. Cela étant, Le tambour est un récit foisonnant, satirique et irrévérencieux, absurde et tragique, à la fois, riche en émotions et sensations diverses, où se révèle, à chaque page, un extraordinaire génie de conteur.

Oskar va accompagner l'histoire du nazisme, militaire et antisémite, vue d'en bas, de la perspective faussement naïve d'un enfant de trois ans, à l'esprit d'adulte. Son tambour joue également un rôle important ; il est par excellence cet instrument de musique militaire rappelant évidemment celui qu'utilisaient les jeunesses hitlériennes, à ceci près qu'il est détourné ici de sa signification. En effet, le jeu de tambour devient l'expression pathétique d'un individu qui n'a d'autre moyen de manifester sa solitude et son désir d'exister.

Le lecteur ne peut oublier Oskar, personnage si singulier et touchant.

Amis lecteurs, c'est un livre que je conseille. Le Tambour reste avant tout un de ces romans du XXe siècle, assurément.

mercredi 29 septembre 2010

L'Etranger - Albert Camus

Pour le cinquantième anniversaire de sa mort, Albert Camus (1913-1960), disparu en janvier 1960 dans un accident de voiture sur une route départementale, confirme qu'il est l'un des grands écrivains du XXe siècle, sinon l'une de ses grandes figures mythiques. Son talent et son engagement lui ont valu un Prix Nobel de littérature à l'âge de 44 ans.

J'ai voulu, à mon tour, saluer sa mémoire en me replongeant dans l'une de ses oeuvres les plus connues du grand public : l'Etranger. Je tiens tout d'abord à signaler à mes fidèles lecteurs que j'ai découvert Camus pour la première fois, à l'adolescence, lorsque j'étais au lycée. C'était il y a déjà 17 ans...

Ce petit livre, publié en 1942, garde encore toute sa pertinence aujourd'hui, surtout à notre époque. Il m'a semblé opportun de le figurer en bonne place dans mon carnet de lectures.

Folio, 186 pages
Meursault est un jeune adulte, apathique, à la sensibilité endormie. Il travaille comme modeste employé dans un bureau à Alger, déjeune chaque jour dans le même café. Meursault traverse ainsi sa vie avec une profonde indifférence. Il se laisse agir, n'a aucune ambition. Il a pris ses petites habitudes et n'est pas prêt à en changer, par paresse ou manque d'énergie. Un jour, il reçoit un télégramme de l'asile annonçant la mort de sa mère, vieille femme usée qui n'avait plus rien à lui dire. Meursault semble détaché de l'événement. Suit pourtant sa participation aux obsèques. Il ne versera aucune larme, n'éprouvera aucun chagrin. De retour à Alger, sous un soleil de plomb, il va se baigner et retrouve Marie Cardona, une ancienne collègue de bureau, dont il s'éprend rapidement. Ils se rendent au cinéma et Marie devient sa maîtresse. Meursault voit ses "copains" parce qu'ils sont là mais ne ressent rien de particulier envers eux. Il se lie notamment avec son voisin de palier, Raymond Sintès, un individu plutôt inquiétant, qui lui demande de rédiger une lettre pour lui, suite à la rixe qu'il a eue avec le frère de sa maîtresse. Invité par Raymond, à passer un dimanche au bord de la mer dans le cabanon d'un ami, Meursault s'y rend avec Marie. Après le repas, les hommes se promènent sur la plage et rencontrent deux Arabes, dont le frère de la maîtresse de Raymond. Ces derniers avaient à se venger de Raymond. S'ensuit une échauffourée sur la plage et Raymond est blessé. Un peu plus tard, Meursault revoit par hasard les deux hommes. Sans savoir pourquoi, il tue l'un d'eux avec le pistolet qu'il avait enlevé à Raymond...

Mon avis : ce roman est un classique dans la littérature française. S'il se lit facilement, par un jeu simple d'écriture, méfiez-vous cependant des apparences. Par le style employé, tout particulier, Camus insiste avec force et virtuosité sur l'aspect froid, singulier et indifférent du personnage principal : Meursault. Le lecteur en est forcément troublé. Ce "héros" singulier et solitaire est étranger à tout ce qui l'entoure, à la vie elle-même, à la société et à ses conventions. Il ne ressent pas grand-chose. Mais au fond, il n'est pas un être mauvais, seulement il vit sans se poser de questions et ne comprend pas les choses qui l'entourent. Meursault est plongé irrémédiablement dans l'absurdité de l'existence : à cet égard, il peut rappeler Joseph K., personnage récurrent de Kafka sur lequel j'ai eu l'occasion de m'exprimer, ici même sur ce blog en juillet dernier.

L'Etranger est un vrai sujet sur le regard des autres. Ce roman se divise en deux parties, aussi différentes l'une de l'autre. La seconde partie s'ouvre naturellement sur le procès de Meursault à la suite du décès de l'Arabe. Mais je ne vous en dis pas plus. Découvrez-le si vous ne l'avez pas encore lu. Ce roman a bien résisté au temps.

jeudi 9 septembre 2010

Le Pic du diable - Deon Meyer

Les lecteurs qui ont coutume de suivre régulièrement mon blog ont pu constater que, depuis près de sept mois, j'ai laissé de côté mon premier défi littéraire consacré à la Littérature policière sur les cinq continents, défi que j'avais présenté ici-même et que vous pouvez aller (re)découvrir sur le blog qui lui est consacré.

Aussi il était temps de reprendre ce challenge car la fin de l'année approche...


Après l'Europe (Andrea Camilleri et La Lune de papier), c'est à l'Afrique que je me suis appliqué, avec le pic du diable, roman de Deon Meyer. J'ignorais tout de cet auteur et c'est donc de manière totalement fortuite que j'ai choisi ce roman policier.

Né à Pearl en 1958, en Afrique du Sud, Deon Meyer est un écrivain de langue afrikaans. Son roman, Le pic du diable, a été publié en 2007.

Points, 522 pages
Thobela Mpayipheli, ancien combattant, revient d'un week-end avec son fils adoptif, Pakanile. Ensemble, ils ont parcouru la campagne à moto. Sur le chemin du retour, arrêtés à une station service, ils sont surpris par des braqueurs au moment où ces derniers tentent de s'échapper. S'ensuit une fusillade et le jeune garçon est mortellement atteint par une balle perdue. Les malfaiteurs sont arrêtés. Lors du procès, leur avocat parvient à retourner la situation en faisant ressortir le passé trouble de Thobela, en accusant ce dernier d'avoir lui-même provoqué la fusillade et le rendant responsable de la mort de son fils. Avant même que le jugement ne soit rendu, les deux brigands parviennent à s'évader. En proie à une immense douleur, Thobela ne cesse de ruminer sa colère à tel point qu'elle devient pour lui une idée obsédante et insupportable. Le désir de vengeance l'électrise. Armé d'une sagaie, il se lance alors dans une croisade sans merci contre tous ceux qui torturent et assassinent des enfants. Les meurtres se suivent et la police peine à identifier ce meurtrier singulier, aussi efficace que populaire dans toute la région. On confie le dossier à l'inspecteur Bennie Griessel. Policier chevronné, Griessel mettra tout en oeuvre pour résoudre cette affaire. Car, confronté à un alcoolisme qui le condamne depuis des années, il vient d'être chassé de chez lui par sa femme. Il sait dorénavant qu'il doit se ressaisir s'il ne veut pas la perdre, ainsi que ses deux enfants. Au cours de l'enquête, l'inspecteur fait la connaissance d'une certaine Christine, une jeune mère qui travaille au Cap comme prostituée, et qui craint pour sa fillette. Les destins de ces personnages torturés vont finir par se mêler...


Mon avis : Le moins que l'on puisse dire, c'est que je m'y suis passablement ennuyé. J'ai eu le désagréable sentiment de lire un traité de psychologie.

Je n'ai pas été captivé par cette histoire ou plutôt ces histoires. Et c'est sans doute là le problème. L'auteur a voulu nous offrir une intrigue complexe, avec des histoires qui s'entremêlent très lentement. Projet ambitieux certes, mais le lecteur finit par se lasser très vite. J'y ai noté des longueurs inutiles. Le récit est dépourvu de rythme (ou presque), sans oublier malheureusement de nombreux poncifs grossiers.

Même si les personnages sont attachants, en particulier le personnage de Christine, le récit se perd dans une intrigue fort peu crédible. Ce Thobela, dans le rôle du tueur en série justicier n'est pas très convaincant, l'inspecteur Griessel en quête de rédemption frôle le ridicule et la fin de l'histoire est bâclée.

Il reste que le récit est fort bien documenté (seul point positif à mes yeux), j'ai pu découvrir au moins un autre pays, une autre culture et la société sud africaine...

vendredi 20 août 2010

La onzième plaie - Aurélien Molas

La Onzième plaie est un roman dérangeant traitant d'un sujet douloureux - la pédophilie-. Il s'agit du premier thriller d'Aurélien Molas, jeune auteur et scénariste de 24 ans, situé dans la lignée de Jean-Christophe Grangé, notamment par la maîtrise de la mise en scène.

Albin Michel, 412 pages
Dans une France à fleur de peau, plongée dans une crise sociale sans précédent, des bandes de casseurs investissent et vandalisent les rues de Paris, certains quartiers incendiés, pillés sont devenus des zones dangereuses pour les forces de police débordées, qui traversent une grave crise de confiance. Dans ce chaos indescriptible, le commissaire Maxime Kolbe, à la tête d'une unité spéciale chargée de la lutte contre les réseaux pédophiles, composée du capitaine Alain Broissard et du lieutenant Léopold Apolline, est sur la sellette lorsque l'un de leurs suspects est innocenté et que son unité se retrouve dans la ligne de mire de la police des polices (L'IGPN). Le commissaire et son second sont accusés d'avoir fabriqué des preuves contre celui que la presse a appelé "le monstre de Jarnages", des accusations ayant entraîné la mort de la femme et du jeune fils du suspect, brûlés vifs dans l'incendie de leur maison.
Pour l'heure, le capitaine Broissard enquête sur la découverte au Havre d'un container rempli de cassettes pirates. Parmi de nombreux films,
Neverland, titre d'un des DVD, livre une vidéo pédophile d'une rare atrocité, projetant l'enquêteur dans son passé. Il transmet directement ces images au lieutenant Apolline. Celui-ci commence les recherches mais la commissaire divisionnaire Dussaud, qui n'a jamais approuvé les méthodes de Kolbe, lui impose désormais une partenaire, Zoé Hermon.
Au même moment, à la station Porte des Lilas, deux jeunes filles se sont jetées sous le métro. La jeune femme policière, Blandine Pothin, est chargée d'enquêter sur la mort des deux jeunes filles. Selon son supérieur, le commissaire Rilk, le double suicide apparaît évident. Blandine n'y croit pas trop et reprend les investigations, malgré le refus de Rilk.
Ces affaires parallèles et séparées de Broissard, Apolline et Pothin vont se mêler et se rejoindre, au milieu de cette France à feu et à sang...

Mon avis : avec ce premier roman sombre, Aurélien Molas parvient à traiter sobrement ce sujet douloureux, en suggérant les faits, sans pour autant tomber dans le graveleux et le voyeurisme primaire.

Le roman est relativement long (400 pages), pourtant le lecteur n'a guère le temps de s'ennuyer. Les chapitres sont courts et bien structurés. L'écriture est fort rythmée, avec un sens de la mise en scène qui maintient constamment la tension.

Quelques bémols toutefois : selon moi, l'auteur aurait pu développer davantage ses personnages et l'on peut regretter le manque d'interactions entre tous les protagonistes de ces affaires. Ainsi, si le thriller est intelligemment mené, la fin de l'histoire reste fort peu originale.

Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un bon roman. C'est un auteur plein de promesses, qu'il faudra surveiller.

samedi 31 juillet 2010

Le Procès - Franz Kafka

Je vous avais déjà présenté, il y a quelques mois, sur ce blog, l'écrivain Franz Kafka. Aujourd'hui, je vous propose un nouveau billet consacré à ce talentueux écrivain d'expression allemande. Après le Château, voici le Procès, autre oeuvre majeure de la littérature du XXe siècle.

Folio, 384 pages
Joseph K., un employé de banque modèle et sans histoire, est arrêté le matin de son trentième anniversaire, mais il reste libre et peut continuer à vaquer à ses occupations ; seuls peuvent s'en étonner ceux des lecteurs qui ne veulent pas comprendre que cette arrestation n'a rien à voir avec la police. Pensant que tout cela n'est qu'une plaisanterie de mauvais goût, Joseph K. fait comme si de rien n'était. Pourtant, intrigué par l'absurdité de la situation, il décide d'interroger les policiers sur son arrestation et n'obtient aucune information sur la nature de ce dont on l'accuse. Il accepte de venir à toutes les convocations et de comparaître devant le tribunal, convaincu de sa propre innocence. Mais peu à peu, il découvre le monde de la "justice". Son optimisme de départ cède la place à la fatalité...


Mon avis : avec ce livre, le lecteur découvre une fois de plus toute la notion d'absurdité, si chère à Kafka. Il est à noter que le Procès n'est pas un roman d'un abord facile, pour un lecteur qui ne connaît pas l'univers de cet auteur.

Le lecteur est plongé dans une ambiance typiquement ubuesque, froide et oppressante, typiquement "kafkaïenne" ; il suit le pauvre héros, de rencontre en rencontre. Le plus inattendu pour un contemporain est de constater que Joseph K. reste libre et continue de travailler malgré ses nombreuses comparutions.

De page en page, on ressent ce climat déroutant, dans un univers en décalage avec le réel et pourtant si proche. On découvre une justice aux rouages obscurs avec d'incompréhensibles enchaînements et des méthodes incohérentes face à un homme intègre. Une approche pour le moins effrayante. Avec ce livre, Kafka déplore cette humanité empruntée de préjugés.

Pour ma part, il s'agit d'un grand moment de lecture.

mardi 29 juin 2010

Présent ? - Jeanne Benameur

Présent ? Un plaidoyer sur l'enseignement ou une certaine idée de l'éducation...

Sur un sujet délicat, souvent mal exploité par les philosophes, les intellectuels et autres "experts" en sciences de l'éducation, Jeanne Benameur signe un roman intéressant, réaliste, écrit avant les terribles émeutes de novembre 2005 en France.

Née en 1952 en Algérie, d'un père tunisien et d'une mère italienne, Jeanne Benameur a été enseignante pendant des années dans divers collèges de France. Elle avait à coeur de nous faire passer certains messages qui gravitent autour de l'enseignement et des différents acteurs qui le composent.

Folio, 224 pages
L'histoire s'ouvre sur l'effervescence des couloirs d'un collège de la banlieue parisienne. Nous sommes à la veille des conseils de classe de fin d'année, où vont se jouer bientôt le destin étriqué de ces adolescents en mal de repère. Des enseignants qui hésitent entre désenchantement, bonheur d'inculquer un savoir, abattement ou esprit revanchard ; une principale consciente mais clairvoyante qui tente d'être "présente" et de le montrer à chaque instant même si elle rêve d'une école différente ; un agent d'entretien - le factotum, la mémoire de l'école - qui observe tous les dysfonctionnements et qui demeure indispensable ; une documentaliste optimiste qui, grâce à son atelier d'écriture, parvient à diriger un jeune caïd vers le plaisir de la lecture et, un conseiller d'orientation quelque peu désabusé, désorienté... Avec la fin du collège, c'est une page importante qui se tourne pour ces élèves de troisième, déjà condamnés pour certains au chômage de longue durée. Pas de grands drames, pas d'émeutes (pas encore du moins...), seulement du quotidien vécu de l'intérieur, entre les quatre murs d'un établissement scolaire, qui se cristallise pourtant en ce jour tant attendu du conseil de classe et où certains adultes vont voir à leur tour leur propre existence définitivement bouleversée...


Mon avis : avec ce roman, Jeanne Benameur s'est lancée dans une galerie de portraits, débordant d'humanité, prétexte à présenter la vie particulièrement prenante et difficile dans un établissement scolaire de banlieue ; cette banlieue si souvent décriée, accablée de reproches et crainte par les médias. Nous découvrons entre autre une jeune professeur de sciences, issue de la province, fraîchement mutée, dépressive parce que ne supportant pas la vie dans une banlieue difficile et séparée de sa moitié ; une principale de collège qui a tendance à jouer le rôle d'assistante sociale, un professeur de lettres qui n'arrive plus à lire mais qui parvient à changer la vie d'un élève ou encore une adolescente discrète, en échec scolaire, mais qui se révèle formidablement talentueuse pour le dessin...

L'auteur aurait pu, me semble-t-il, développer davantage ces moments de vie, nourris de ses expériences personnelles. Quoi qu'il en soit, à une époque où l'on ne sait plus à quelles saines valeurs se vouer, le lecteur prend inévitablement conscience de la difficulté à enseigner aujourd'hui, et assiste, impuissant, au naufrage de l'éducation nationale à la française.

Pourtant, Jeanne Benameur refuse la fatalité ; ses morceaux de vie choisis tentent de se départir des clichés trop simplistes et malgré les soucis et la violence, le roman dégage une certaine énergie à espérer des jours meilleurs, où chacun peut avoir sa chance. Pour Benameur, être "présent" demande finalement un investissement de chaque instant, être en vie tout simplement auprès de ces jeunes. Certes, l'auteur ne répond pas aux grandes questions que soulève ce roman mais préfère apporter quelques pistes qui varient selon les individus et les méthodes employées, dans un monde globalisé qui ne cesse de bouger.

lundi 21 juin 2010

Echo - Ingrid Desjours

Echo est le premier roman d'Ingrid Desjours (née en 1976), sorti en 2009. Il s'agit, me semble-t-il, d'un auteur sur lequel il faudra compter au cours des prochaines années, elle marquera sans doute le paysage du thriller français... Après Karine Giebel (lire mon billet du 14 mai dernier), voici encore une femme qui se manifeste avec beaucoup d'énergie et de panache dans ce genre littéraire.

Plon, 310 pages
Psychologue indépendante, rompue aux meilleures techniques de profilage criminel, la jeune et aguicheuse Garance Hermosa est appelée un jour en renfort, auprès du commandant Patrick Vivier, sur les lieux du meurtre des frères Vaillant, retrouvés dans leur appartement, empoisonnés à la strychnine et horriblement mutilés, selon un étrange rituel où règne une oppressante atmosphère de perversion sexuelle. Les frères Vaillant, Klaus et Lukas, formaient des jumeaux trentenaires - particulièrement méchants et arrogants mais d'une beauté rare - qui animaient une émission à succès, Le Miroir des Alouettes, dans laquelle ils prenaient un cruel plaisir à ridiculiser et humilier en direct des invités - vedettes jusqu'à faire craquer ces derniers devant les caméras. De fait, à l'annonce de leur mort, peu de personnalités regrettent la disparition des Vaillant et nombreux sont finalement les suspects... Pour la jeune profiler, découvrir l'identité de l'assassin s'avère délicat. Pourtant, elle comprend rapidement que le meurtrier réunit des particularités extrêmement malsaines, il s'agit vraisemblablement d'un tueur sadique, machiavélique et tourmenté, proche des victimes. En policier sceptique mais charmé par les méthodes de la fantasque et intelligente psychologue, le commandant Vivier découvrira progressivement les subtilités du profilage criminel...


Mon avis : Ingrid Desjours nous offre un excellent et stupéfiant roman policier, qui nous tient en haleine jusqu'à la fin. Le lecteur y notera une certaine modernité dans l'écriture, une écriture tonique et fluide. Le récit est efficace. Les chapitres sont courts de sorte qu'aucun temps mort n'est possible. En tant que spécialiste en psychocriminologie, l'auteur maîtrise son sujet et contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce thriller n'est pas particulièrement sanglant. Les "âmes sensibles" peuvent le lire.

L'auteur a su donner vie à des personnages atypiques, ils sont plutôt bien creusés, où chacun d'entre eux a un rôle à jouer et une vérité à cacher. L'histoire est crédible.

Dès le début, le lecteur entre dans le vif du sujet avec l'extrait d'un journal intime dans lequel un enfant de huit ans couche son quotidien... Et l'impuissance du lecteur face à ce récit poignant et troublant. Mais je ne vous en dis pas plus...

Vous l'aurez compris, j'ai été agréablement surpris. Je vous le recommande.

dimanche 30 mai 2010

Le Loup des steppes - Hermann Hesse

Publié en 1927, Le Loup des steppes (Der Steppenwolf, titre original) est considéré comme le chef d'oeuvre d'Hermann Hesse (1877-1962), écrivain allemand, inspiré notamment par la religion hindouiste ou encore la psychanalyse.

Le livre de poche, 312 pages
Nous sommes dans les années 1920, "les années folles". Harry Haller, surnommé "le loup des steppes" est un intellectuel vieillissant qui s"installe dans une ville européenne pour se consacrer à de vagues travaux littéraires. Il s'approche de son cinquantième anniversaire et, a décidé de ne pas prolonger sa vie au-delà de cette date fatidique. Isolé, rêvant nostalgiquement à l'enfance qu'il a passée dans l'environnement ordonné et paisible d'une famille bourgeoise, il erre à la recherche d'un sens de l'existence. Il est solitaire, désabusé et ne parvient pas à vivre avec ses contradictions. C'est alors qu'il rencontre une jeune et joyeuse femme, Hermine, qui correspond à la partie féminine de son être. Hermine lui fait redécouvrir les plaisirs de l'existence sous un angle différent et lui fait connaître un énigmatique et fascinant musicien de jazz, Pablo, qui introduira Harry dans un "théâtre magique", un lieu où, sous l'effet de drogues hallucinogènes, il laisse une totale liberté à son imagination...


Mon avis : fortement empreint de philosophie allemande et de psychanalyse, ce livre n'est pas difficile à lire mais j'ai trouvé le texte plutôt austère.

Il s'agit à la fois d'une oeuvre littéraire et d'un véritable traité de philosophie pure. De nombreuses pages sont consacrées à la condition d'homme-loup de Harry et son analyse intérieure.

Le roman est basé sur la dualité de l'homme : d'une part, le loup et son côté asocial, solitaire et ascète ; d'autre part la soif de bien-être, de jouissance et de sensualité. Harry devient en quelque sorte un observateur du monde, ce monde qu'il rejette et qu'il envie en même temps.

Expérience spirituelle, récit initiatique ou traité de psychanalyse hallucinant, ce roman multiple les registres et le lecteur y retrouvera de nombreuses influences littéraires (Goethe), philosophiques (Nietszche, Jung) et musicales (Mozart, Beethoven...).

Je n'ai pas été très convaincu par cette lecture. J'ai décelé de nombreuses longueurs et des répétitions au cours de la première partie de cette histoire. La deuxième partie est plus intéressante.

Si vous appréciez la philosophie et les réflexions sur le genre humain, je vous le conseille. Pour ma part, il n'est pas le chef d'oeuvre universel du XXe siècle...

vendredi 14 mai 2010

Meurtres pour rédemption - Karine Giebel

Meurtres pour rédemption est le deuxième roman de Karine Giebel (née en 1971), jeune auteur français de thrillers. Une écrivaine talentueuse dans un genre littéraire très masculin que je vous invite à découvrir.


Rail noir, 555 pages
Marianne de Gréville a vingt ans, le bel âge. Mais sa vie est fichue. Elle a été condamnée à perpétuité pour un double meurtre, celui d'un vieil homme auquel elle voulait dérober ses économies, puis un policier qui l'a prise en chasse. C'était "par accident", répétera-t-elle. Sa vie désormais, elle la passe dans sa cellule 119. Elle rêve de liberté et s'évade un instant en écoutant le bruit des trains qui passent. Dès le début, la vie ne lui épargne rien dans ce milieu carcéral, hostile. Son univers est une véritable descente aux enfers : humiliations, passages à tabac, violences entre co-détenues qui semblent interminables. Marianne ira jusqu'à vendre son corps au chef des gardiens de prison, Daniel Bachmann, en échange de cigarettes et de quelques doses de dope. Experte en arts martiaux, la jeune femme peut se transformer en une vraie boule de nerf, surtout lorsqu'on la provoque ; elle devient incontrôlable, prête à se défendre et parfois à tuer. Les autres détenues et les surveillants la craignent, la détestent aussi. Certaines lui font infliger les pires avanies, comme la surveillante "La Marquise" qui assouvit ses instincts les plus sadiques. Mais Marianne résiste, c'est une battante, pleine d'énergie. Elle est considérée comme la prisonnière la plus dangereuse et pourtant, cette armure qui se veut impénétrable se fissure de temps à autre et laisse entrevoir un coeur pur, un être meurtri, sensible et fragile, de sorte que la culpabilité la ronge. Un jour, contre toute attente, l'improbable espoir renaît. La jeune femme est appelée au parloir ; trois jeunes policiers veulent la rencontrer et lui proposer un étrange marché...


Mon avis : c'est un véritable coup de force que réalise Karine Giebel, une grande réussite. Il s'agit sans conteste d'un grand coup de coeur.

Ce pavé qui contient plus de 550 pages ne vous laissera pas souffler, le suspense est évidemment au rendez-vous. Dès les premières pages, le lecteur est pris dans les jolies griffes de Marianne et reste captivé jusqu'à la fin, jusqu'au dénouement, une histoire si bouleversante...

Il se dégage de ce roman une force inouïe et une description édifiante de l'horrible univers pénitentiaire qui fait froid dans le dos. Le lecteur plonge en avant dans un malaise constant, souffre beaucoup, pleure et sourit parfois.

Karine Giebel s'est formidablement documentée sur le système carcéral, sans doute y trouvera-t-on quelques clichés. Il n'en reste pas moins qu'elle a su fouiller profondément la psychologie de ses personnages : les détenues et les gardiens de prison (les matons dans le texte).

Certains passages sont d'une cruauté insoutenable, mais aussi d'une sensibilité profonde. Les dialogues sont directs, parfois crus, les phrases sont percutantes, à l'image du monde carcéral où règnent la violence et le sang. Le rythme est rapide, sans le moindre temps mort. Dans la première partie du roman, des flash-back nous font comprendre progressivement comment cette ravissante jeune femme de vingt ans est devenue cette terrible machine à tuer.

Le lecteur n'en sort pas indemne et ne peut rester indifférent. De par sa qualité d'écriture, Karine Giebel a fait en sorte que nous ressentons à chaque instant les joies et les peines, les doutes et les peurs du personnage principal ; nous partageons ses injustices et ses révoltes. Bref, le lecteur manifeste de l'empathie pour Marianne, cette femme entière au charisme extra-ordinaire. Et malgré ses actes, malgré ses accès de colère, nous la trouvons extrêmement attachante.

Les autres personnages qui gravitent de près ou de loin autour de Marianne ont également beaucoup de consistance.

J'ai acheté ce livre il y a près de neuf mois maintenant et j'ai tant attendu à le lire, faute de temps mais peut-être aussi en raison du nombre de pages et de la police d'écriture si petite qui en dissuaderaient plus d'un ! Grave erreur...

N'attendez pas, procurez-vous le et lisez-le !

Meurtres pour rédemption est une oeuvre noire, poignante, éprouvante et magistrale, d'une rare intensité. Un chef d'oeuvre.

jeudi 29 avril 2010

La Chatte - Colette

Dans ma vie de lecteur, j'ai lu très peu de romans de Colette, de son vrai nom Sidonie Gabrielle Colette (1873-1954) ; tout au plus je me souviens vaguement de la lecture obligatoire la maison de Claudine, au collège. C'est un auteur qui ne m'a pas particulièrement marqué ou peut-être est-ce simplement la faute de l'enseignante du moment qui n'est pas parvenue à me donner cette envie de savourer pleinement toute la subtilité de l'écrivain. Quoi qu'il en soit, désireux d'en connaître davantage, je me suis penché récemment sur l'un des romans de Colette, La Chatte, qui fait aujourd'hui l'objet de mon billet.

Je ne vous cache pas que ce titre m'a quelque peu interpellé. Qu'est-ce que l'auteur pouvait bien écrire au sujet de cet animal ? S'agissait-il d'un livre racontant la vie des nombreux chats qui entouraient l'écrivain ? Car je n'ignorais pas son amour profond et sincère pour ce fascinant félin...

Paru en feuilleton dans Marianne du 12 avril au 7 juin 1933, publié chez Grasset dans la collection 'Pour mon plaisir" dès le 12 juin 1933, La Chatte vient à un moment où l'écrivain semble avoir trouvé dans son existence quotidienne une certaine stabilité.


Livre de poche, 159 pages
Enfants choyés et gâtés issus de milieux bourgeois, Alain épouse Camille qu'il connaît depuis plusieurs années. Personnage égoïste, le jeune homme n'est pas facile à vivre. Il réagit comme un enfant capricieux, à l'aise dans cet univers doré et, n'aime pas par dessus tout qu'on lui change ses petites habitudes. Camille, son épouse, est une femme démonstrative, au regard pétillant. En attendant que son appartement de jeune marié soit terminé, Alain est contraint de laisser à ses parents sa chatte des Chartreux, prénommée Saha, qu'il aime profondément. L'amour que ressent le jeune homme pour Saha est indéfectible ; il va bien au-delà de l'affection apportée à un simple animal de compagnie à tel point qu'il provoquera la ruine de son récent mariage avec Camille. Le couple sera mise à rude épreuve lorsque l'animal s'installe finalement dans le foyer conjugal. Camille devient rapidement jalouse de la chatte, et est prête à tout pour se débarrasser de cette rivale redoutable...

Mon avis : il s'agit d'un roman tout en nuances et en fines observations dans lequel la chatte Saha joue incontestablement le premier rôle. Colette, l'amie des chats, connaît manifestement son sujet ; elle dépeint, avec un certain talent, un étrange et improbable "ménage à trois" et a su décrire le comportement et la psychologie de chacun des protagonistes. Alain voit en Saha l'animal le plus parfait qui soit, sa chimère, il la préfère car elle lui semble plus élégante, plus belle et plus gracieuse que Camille. Alain demeure fidèle à sa chatte.

Le roman se lit aisément mais il ne s'y passe pas grand chose, il s'agit somme toute d'une histoire de jalousie absurde et une chatte qui agit étrangement comme un être humain...

Malgré de belles descriptions, notamment celles du jardin et de la nature, et cette belle plume stylée, je n'ai pas été très convaincu par cette lecture ; les personnages sont méprisables. Quant à Saha, je ne m'y suis guère attaché. Il reste que le chat est bien un animal intelligent. Et certains lecteurs considèreront peut-être ce roman comme un hommage aux chats... Soit !

samedi 17 avril 2010

La Maison assassinée - Pierre Magnan

Les cinéphiles se souviennent sans doute du film La Maison assassinée réalisée par Georges Lautner, en 1988, avec entre autres pour interprète le jeune Patrick Bruel. Rares sont ceux en revanche qui se rappellent que ce long métrage n'est en fait l'adaptation du plus célèbre des romans écrits par un grand auteur français : Pierre Magnan.

Ecrivain discret, Pierre Magnan est né en 1922 à Manosque (Alpes-de-haute-Provence) ; il puise l'inspiration de son oeuvre au travers de sa belle Provence. C'est assez tardivement qu'il s'adonne véritablement à l'écriture. En 1976, il publie son premier roman policier avec le Sang des Atrides et nous présente son personnage récurrent : le commissaire Laviolette.

En 1984, il écrit son fameux roman la Maison assassinée, qui s'est vu attribuer à sa sortie le Prix RTL Grand Public, récompense méritée pour un écrivain hors pair. A cette occasion, j'ai relu ce magnifique livre et vous le présente brièvement.

Denoël, 304 pages

A la fin du XIXe siècle, dans un village des Alpes de Haute-Provence, par une nuit d'orage, toute la famille Monge est sauvagement massacrée à l'arme blanche. Seul un nourrisson, âgé seulement de trois semaines est épargné miraculeusement. Il disparaît et est élevé loin du village. Vingt-cinq années passent, le bébé a grandi, il se nomme Séraphin et c'est un jeune homme au passé bien mystérieux. Cette force de la nature qui a connu les souffrances de la guerre, l'enfer des tranchées, lui le rescapé de la Grande Guerre, revient dans son village natal. Séraphin sait qu'il n'a pas de parents. Il apprend d'un vieil habitant du village que sa famille a été massacrée et que trois malheureux journaliers, étrangers ont été accusés du meurtre, jugés et guillotinés. Dès lors tout bascule pour ce robuste survivant. Hanté par ce souvenir, par l'image de sa mère morte égorgée, Séraphin ne cesse alors de remuer le passé. Il entreprend d'abord de détruire la maison du cauchemar dans laquelle il est né avant de mener l'enquête dans le village à la recherche des vrais assassins...

Mon avis : Pierre Magnan écrit là un remarquable roman noir et froid dont l'intrigue policière confine à la tragédie. Mais la force du livre n'est pas tant cette intrigue, passionnante au demeurant, mais plutôt l'ambiance glauque qui s'en dégage, quelque chose de terriblement prenant et réaliste, très souvent dérangeant et cruel dans cette vie rurale, dans ce village au quotidien accablant au sortir de la Première Guerre mondiale.

Les décors sont décrits avec talent, le cadre de vie est rude, les personnages sont forts, criants de vérité, tels Didon Sépulcre, propriétaire d'un moulin à l'huile ou Célestat Dormeur le boulanger ; les femmes ne manquent pas non plus d'éclat, le tout baigné dans un style précis, jamais fastidieux.

En somme, Pierre Magnan sait manier avec brio tous les ingrédients qui lui permettent de tenir le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page du roman. Et cette tension permanente est telle que le lecteur frémit.

Il s'agit assurément d'un récit dense, d'une intensité prodigieuse, à déconseiller aux âmes sensibles...


lundi 5 avril 2010

Magasin général, Marie - Loisel et Tripp

En décembre dernier, mon frère m'avait suggéré la lecture de la bande dessinée Magasin général. C'est chose faite aujourd'hui ; cela a été pour moi une agréable découverte.

Magasin général est une série dessinée à deux mains, sur le Québec rural des années 1920, fruit d'une étrange mais belle collaboration entre Régis Loisel et Jean Louis Tripp. La série compte cinq tomes à ce jour.

En préface du premier album (quatre-vingts pages), les auteurs talentueux nous présentent brièvement leur complémentarité et leur cheminement à propos de l'élaboration d'une planche : Loisel s'attaquant aux cadrages, réalisant les premiers croquis, Tripp travaillant et finalisant la lumière, le tout au service d'une belle histoire qui n'a pas encore tout dévoilée.

Casterman, 80 pages
Nous sommes au printemps. Dans la petite bourgade de la paroisse de Notre-Dame-des-Lacs, au fin fond de la campagne québécoise, Félix Ducharme, gérant du fameux magasin général, vient de mourir. Le magasin général est le centre névralgique de cette charmante petite communauté où chacun peut se procurer le moindre outillage, faire ses emplettes, entamer la conversation et connaître les derniers potins du village... Marie, la jolie et jeune veuve, est effondrée. Son chagrin se trouve rapidement submergé par le quotidien, sous la pression des habitants. Elle se demande si elle va pouvoir continuer à tenir seule "la boutique". Autour d'elle, nous allons rapidement faire la connaissance des habitants du village...

Mon avis : de par sa couverture somptueuse, ce magasin général québécois attire l'oeil forcément. Cette bande dessinée est à déguster. Le résultat est très attrayant, le dessin raffiné et l'ambiance dépaysante et sympathique pour découvrir un environnement particulier : la vie au Québec dans les années 1920.

Afin de bien s'y retrouver, le lecteur prendra plaisir à découvrir, en première et dernière page, un plan du village avec les maisons de chacun des personnages de l'histoire. Les auteurs nous proposent une galerie intéressante de personnages très diversifiés, à forte consistance : les trois vieilles bigotes faiseuses de morale, l'institutrice, l'aveugle vagabond, les frères Latulipe, le vieil ermite bourru, le nouveau curé moderne qui vient bousculer les habitudes des villageois, s'évertuant à ramener ses ouailles à l'Eglise tout en s'acoquinant avec le plus réfractaire des villageois, Gaëtan le fils du maire, simplet mais très serviable, sous oublier les bûcherons en chemises canadiennes...

S'il ne se passe pas vraiment grand chose, "en apparence", dans cette histoire, des éléments nouveaux attirent pourtant notre attention, entretenant ainsi un certain suspense, et l'envie de découvrir la suite.

Vous l'aurez donc compris, cet album a tout pour plaire, le lecteur se laisse bercer par cette belle histoire attendrissante, rythmée par de succulents dialogues ; l'on peut d'ailleurs remercier Jimmy Beaulieu qui a su retranscrire les dialogues en québécois, les rendant assurément très agréables pour tout lecteur francophone.

Bref, un magnifique récit, authentique, riche en émotions et plein de tendresse...

jeudi 11 mars 2010

La maîtresse d'école - Marie-Paul Armand

En matière de littérature, la région Nord Pas-de-Calais peut être fière de constituer une mine précieuse et féconde de talents. Citons entre autres Marie-Paul Armand, l'une des plus belles plumes régionales. Romancière du terroir, cette petite-fille de mineur revendique en toute simplicité ce titre parce que, sans manière, elle aime sa région.

Après des études universitaires à la faculté de Lille, Marie-Paul Armand a été enseignante en mathématiques pendant dix ans avant de s'engager définitivement dans la voie de l'écriture, à laquelle elle était destinée. Bien lui en a pris. Ses romans mettent en scène la vie dans cette région, à différentes époques et dans différents milieux. En 1995, après plusieurs ouvrages, elle publie un roman magnifique, La maîtresse d'école, qui confirmera sa renommée dans la France entière.


Pocket, 319 pages

L'histoire s'ouvre sur la France de l'entre-deux-guerres, dans un petit village du Pas-de-Calais, au bord de la mer. Sagement assise dans la classe, la petite Céline, fille de modestes pêcheurs, souhaite embrasser la carrière d'institutrice. L'école est pour elle une merveilleuse révélation. Si ses résultats scolaires et les éloges de sa maîtresse, Mme Fournier, satisfont ses parents, son désir le plus cher est pourtant mal accueilli par ces derniers et son entourage qui ne la comprennent pas. Son frère Aurélien n'envisage pas un instant qu'elle puisse avoir une telle répugnance pour les métiers de la mer et Pierrot, l'élu de son coeur, son matelot, se refuse à épouser plus tard une institutrice qui ne pourra pas rester à la maison pour élever leurs enfants. Céline le sait, elle devra faire un choix difficile entre un grand amour et sa passion pour l'enseignement. Mais elle n'en démord pas ; à l'encontre de sa famille, elle compte bien réaliser son rêve coûte que coûte, "faire l'école", et ce, grâce à sa tante Marceline qui, en femme indépendante, est la seule à la soutenir et à l'aider à poursuivre ses études. Après la guerre, Céline donne le jour à une petite fille, Irène, à qui elle transmet à son tour sa vocation. Les années passent, Irène grandit jusqu'à la fièvre de "mai 1968", elle devient professeur au collège. Les temps ont changé, les mentalités aussi, ses démêlés amoureux lui réservent bien des surprises...

Mon avis : j'ai littéralement dévoré le livre de la première à la dernière page. Si Marie-Paul Armand était lue dans nos écoles, nombreux seraient les enfants à apprécier le goût de la lecture.

Je la remercie d'avoir su admirablement et, avec une douceur infinie, conjuguer le réalisme et l'émotion, toute en retenue, présente tout au long du livre. L'auteur sait faire ressortir les sentiments de ses personnages. Le lecteur sent également à quel point l'auteur est très attachée à ses racines. Marie-Paul Armand en parle avec amour et tendresse.


Le lecteur se laisse emporter par cette belle histoire grâce à un style limpide, très agréable à lire ; une écriture douce, calme et prenante à la fois où le lecteur s'applique au plus près des personnages.

Au-delà de ce beau récit sentimental, l'auteur développe deux thèmes : d'une part les différences d'éducation générationnelles entre la mère et la fille, celles de nos parents et de nos grands-parents ; d'autre part l'évolution de l'école tout au long du XXe siècle, jusqu'à la fin des années 1960 ; cette nostalgie produite par l'école d'autrefois : l'odeur de la craie, le tableau noir, le pupitre et l'encrier ; cette école où, malgré les différences et les difficultés sociales, les enfants maîtrisaient la lecture et l'écriture, redoutaient la dictée, apprenaient par coeur les quatre opérations, connaissaient parfaitement les grandes dates historiques, savaient situer les villes et les fleuves ; cette école enfin où le maître avait encore une autorité naturelle. Une époque décidément révolue...

Cela me rappelle inévitablement quelques souvenirs personnels qui n'échappent pas à une amère constatation : un métier aux illusions perdues, qui a beaucoup et mal évolué, une lente et inexorable dégradation de l'institution tombée sous la coupe des nouveaux théoriciens "pédagogues" qui ont voulu à tout prix dépoussiérer les mécanismes désuets du système scolaire, en simplifiant à outrance, en annihilant la notion d'effort et de l'apprentissage.

Plutôt qu'un long discours de ma part, je dirai simplement que l'auteur nous livre des enseignements de vie, une magnifique leçon d'humilité et de courage.

Madame Marie-Paul Armand, je suis fier que vous soyez de cette région.


Amis lecteurs, je vous enjoins de découvrir ce roman pour lequel j'ai eu un coup de coeur.

vendredi 26 février 2010

La Lune de papier - Andrea Camilleri

En cette période de vacances scolaires, j'entame le défi de la Littérature policière sur les 5 continents, que je vous avais présenté ici-même, dans mon précédent billet et, que vous pouvez aller (re)découvrir sur le blog qui lui est consacré. J'ai choisi de commencer avec l'Europe du Sud.

J'avais envie, depuis quelques temps, de découvrir Andrea Camilleri et son héros Salvo Montalbano. C'est donc la première fois que je fais la connaissance de cet auteur italien et, je dois vous avouer que, c'est avec une joie non dissimulée que je me suis plongé dans cette lecture. L'auteur méritait bien une place de choix dans mon blog.

Andrea Camilleri est venu tardivement à l'écriture de romans policiers. Né en 1925 à Porto Empedocle, dans la province d'Agrigente en Sicile, Camilleri se destine d'abord au théâtre, mettant en scène les oeuvres d'auteurs non moins connus tels que Samuel Beckett ou Eugène Ionesco. Pendant un temps, il enseigne également l'art de la mise en scène à l'Académie d'Arts Dramatiques et auprès de l'Institut Expérimental de cinéma à Rome. Petit à petit, à côté de ses activités de metteur en scène, Camilleri se met à l'écriture, produisant des essais romancés, né de ses études sur l'histoire de la Sicile.

Il connaîtra surtout un immense et durable succès outre-alpes, grâce à la série d'enquêtes mettant en scène le personnage du commissaire Salvo Montalbano, sorte de "Maigret", à la verve italienne, dont les histoires se situent dans l'imaginaire petite bourgade de Vigàta, en Sicile.

Pocket, 245 pages
Dans La Lune de Papier, le commissaire Montalbano est en charge d'une enquête qui le conduit cette fois dans les méandres de la passion amoureuse. Angelo Pardo, visiteur médical de 42 ans, ancien médecin radié de la profession, est retrouvé mort, une balle dans la tête, sur la terrasse de son appartement, dans une posture pour le moins compromettante. Après la découverte du catafero, le commissaire Montalbano fouille chez Pardo et trouve notamment la clef d'un petit coffre qui a disparu et surtout, un étrange livret usagé et codé contenant des chansonnettes. Montalbano se tourne alors vers les deux femmes liées à la victime et diamétralement opposées : Michela, la soeur d'Angelo, femme éthérée et possessive, qui avait signalé la disparition prolongée de son frère, entretenant avec celui-ci une relation ambiguë ; de l'autre la dernière maîtresse de la victime, l'ardente et sensuelle Elena. Pour résoudre cette affaire, le commissaire ne devra négliger aucun détail, apparemment sans importance. Il devra jouer finement car il s'aperçoit bientôt que ces femmes envoûtantes se révèlent manipulatrices et s'évertuent à brouiller consciencieusement les pistes...

Mon avis : Camilleri nous présente un polar savoureux, bâti sur un humour omniprésent, direct ou plus subtil, porté par des personnages drôles et tout aussi truculents, le tout baigné dans cette magnifique ambiance sicilienne.

Le commissaire Montalbano, quinquagénaire, fiancée à une gênoise prénommée Livia, aime par-dessus tout profiter de la vie. Fin gourmet, il affectionne les spécialités savoureuses de la cuisine sicilienne. Malgré son humeur bougonne et cette fougue méditerranéenne, il apparaît au fil de l'histoire comme un personnage sensible, bienveillant, profondément humain, parfois en proie à ses propres doutes et ses faiblesses ; dans cette histoire, Montalbano se sent vieillir, il nous fait part de ses pertes de mémoire passagères et s'interroge avec hantise sur la mort.

Le lecteur suit également, avec toujours autant de plaisir, les autres personnages récurrents qui gravitent autour de Montalbano : le procureur Tommaseo, l'obsédé sexuel ou l'agent Catarella qui fait preuve d'incompétence, même s'il lui arrive, de temps à autre, des idées lumineuses...

Mais sous des airs de "drôlerie", par le truchement de son idéaliste commissaire, Camilleri dénonce avec justesse la corruption, les liens entre les hommes politiques et la pègre qui rongent l'île.

L'intrigue est bien construite et minutieuse ; elle possède un rythme haletant qui s'achève dans un final à vous couper le souffle.

Il faut enfin souligner le remarquable travail du traducteur attitré, Serge Quadruppani, qui a su exprimer merveilleusement cette langue, ce mélange détonant d'italien et d'argot sicilien, propre à Camilleri, qui se plaît à en jouer ; une sorte de re-création personnelle de la langue, à la fois par le vocabulaire et la syntaxe, qui peut surprendre le lecteur dès les premières pages du livre mais qui, en fin de compte procure un charme irrésistible aux dialogues.

Avec La Lune de papier, Andrea Camilleri signe un polar digne des plus grands écrivains du genre. Un pur bonheur de lecture, à consommer sans modération !

dimanche 21 février 2010

Défi littéraire 2010 - Littérature policière sur les 5 continents

Au gré de mes consultations sur la blogosphère littéraire, j'ai constaté de nombreux défis. Aussi exaltants soient-ils, j'ai décidé cette année d'en relever un et je tenais à vous en faire part. Il s'agit du défi intitulé "Littérature policière sur les 5 continents" proposé par Catherine, du blog "La Culture se partage".

Brillante initiative aussi instructive qu'originale de la part de cette lectrice et je l'en remercie.

De quoi s'agit-il précisément ? Le défi consiste à lire, au cours de l'année, un roman de littérature policière d'un auteur de chaque continent et, à venir le présenter sur le blog créé à cet effet.

Ce défi littéraire est intéressant à double titre pour moi. En effet, n'étant pas un grand amateur de polars, ce défi est l'occasion de combler des lacunes et d'explorer encore davantage ce genre littéraire. D'autre part, il convient parfaitement à l'esprit de mon blog puisque, comme vous le savez, nos hirondelles nourrissent de grands espoirs, en vous faisant partager, à travers le monde, de nouveaux horizons de lectures.

Pour l'heure, je n'ai pas encore sélectionné ma liste. Elle s'établira en fonction de mes goûts, mon humeur. Vous la découvrirez au fur et à mesure lorsque je présenterai ces livres dans le cadre de ce défi.

Si ce défi vous tente, si vous souhaitez tout simplement connaître les modalités précises, je vous invite à vous rendre sur le blog de Catherine, en cliquant sur ce lien ou sur le logo.


samedi 6 février 2010

Le Pigeon - Patrick Süskind

Le livre du week-end est consacré à une nouvelle de Patrick Süskind, intitulée : Le Pigeon.

Ce récit a été publié en 1987, sous le titre original Die Taube.

Le Livre de poche, 89 pages
Cela fait trente ans que Jonathan Noël, agent de sécurité dans une banque parisienne, loge dans un minuscule logement sous les combles, où il s'est construit tout au long des saisons une existence de solitaire : ses parents ont autrefois été déportés, sa femme l'a abandonné et, il va bientôt prendre sa retraite. Cette morne existence d'où il a exclu tout imprévu est soudainement bouleversé par un événement absolument dérisoire et grotesque : un pigeon cherche à entrer dans sa chambre de bonne. Apeuré, angoissé, Jonathan s'enfuit, songe même un instant à se suicider, mais finalement, au cours d'un orage, il est, par une sorte de miracle, délivré de ses appréhensions et pour la première fois, le cours des événements lui échappe...

Mon avis : c'est un petit livre qui marque les esprits. Pour tous ceux qui n'ont pas encore eu l'occasion ou la chance de lire cet auteur allemand, c'est le moment de franchir le pas et de découvrir son univers. Patrick Süskind développe à merveille la solitude ; cette solitude dans laquelle ses personnages sont enfermés ou s'enferment volontairement.

Le livre se lit facilement, les exercices de style sont fort bien maîtrisés. A partir de faits totalement anodins, l'auteur parvient à faire monter l'angoisse de son personnage. Le lecteur est entraîné par les pensées délirantes, voire paranoïaques de Jonathan Noël et est forcément happé par cette atmosphère jusqu'à la fin.

Un passage du livre m'a beaucoup marqué : la confrontation presque brutale avec le mendiant fait réfléchir et demeure très prenante. Le lecteur ne ressort pas indemne des angoisses excessives de Jonathan, il en éprouve même un certain malaise, car les tortures psychologiques de notre héros "maniaque" le touchent.

Aucun point négatif à propos de cette histoire courte, me direz-vous ? J'y arrive. Je pense que Süskind aurait pu développer encore la description cyclothymique et se plonger davantage dans les blessures d'enfance de Jonathan. Mais ces petites faiblesses ne suffisent pas à ternir la nouvelle, ni même mon enthousiasme.

Un livre intéressant, je vous le recommande. Vous ne réagirez plus tout à fait de la même manière, après en avoir terminé la lecture...


dimanche 24 janvier 2010

Découverte : un blog de bandes dessinées

Le week-end est propice au repos, à la sérénité et aux découvertes.

En ce dimanche, je ne vous propose pas un livre. Non, je voulais vous faire part d'un blog que j'ai découvert par hasard, au gré de mes navigations sur le net. Il s'agit du blog de Benjamin Kouadio, auteur de bandes dessinées, à la sauce ivoirienne et africaine.

Assurément, ce jeune auteur a beaucoup de talent ; il nous offre de jolies planches et de très belles illustrations, notamment pour les enfants.

Il mérite d'être connu et reconnu.

Mais plutôt qu'un long discours, je vous laisse découvrir ce merveilleux blog :

dimanche 17 janvier 2010

Le Meunier Hurlant - Arto Paasilinna

Arto Paasilinna fait sans conteste figure d'auteur original dans le monde littéraire. Né en 1942 dans la Laponie finlandaise, alors que ses parents fuyaient l'avance des troupes allemandes, Paasilinna pratique divers métiers manuels (bûcheron, ouvrier agricole...) avant de se consacrer pleinement à l'écriture. Au cours de l'année 1962-1963, il suit assidûment les cours d'enseignement général de l'Ecole d'Education populaire de Laponie, puis entre comme stagiaire au quotidien régional "Lapin Kansa". Poursuivant ses activités journalistiques, il collabore à des revues littéraires.

Une trentaine de romans constitue son oeuvre. Seuls une dizaine d'entre eux ont été traduits actuellement en français, dont le Meunier Hurlant qui fait l'objet de ce billet.

Paru à Helsinki en 1981, sous le titre Ulvowa mylläri, et traduit pour la première fois en français par Anne Colin du Terrail en 1991, Le Meunier Hurlant connaît un succès immédiat.

Folio, 278 pages
Le dénommé Gunnar Huttunen, meunier de son état, vient de s'installer dans un petit village au nord de la Finlande. Gunnar n'est pas comme tout le monde. C'est une force de la nature qui vient d'ailleurs, il est comme qui dirait un peu bizarre : tantôt il se plaît à imiter les bêtes de la forêt, tantôt il est en proie au désespoir, parfois dépressif mais surtout il pousse des hurlements, la nuit, pour calmer son angoisse. Gunnar sait ce qu'il veut, c'est un homme libre qui ne recule devant aucune entreprise. Nul doute qu'il se fait des ennemis, de sorte qu'il est tenu pour un aliéné par la population du village. Gunnar a remis en marche le moulin désaffecté ; pourtant ses voisins devenus insomniaques sont prêts à tout pour se débarrasser de cet encombrant personnage et l'envoyer à l'asile : la perversité collective des habitants, les pièges diaboliques, les pires mensonges, tout y passe pour arriver à leurs fins. Le meunier se mettra ainsi à dos presque tous les villageois haineux, hormis quelques-uns avec lesquels il se liera d'amitié. Il s'éprend bientôt de la conseillère rurale, Sanelma Käyrämö, qui l'aidera à rester lui-même et à défendre sa liberté...

Mon avis : Paasilinna nous offre un beau roman ! Une histoire pittoresque, avec une galerie de portraits haut en couleurs, amusants et attachants.

Le lecteur est entraîné naturellement par le rythme trépidant des personnages et les multiples rebondissements. C'est l'occasion de découvrir un autre pays, la Finlande, ses jolis paysages, ses grands espaces de lacs et de forêts, une nature omniprésente.

Le roman traite de la place de l'individu dans notre société. Malgré un sujet grave, celui de la marginalité, la plume de Paasilinna est juste et légère. Son univers est un savoureux mélange de jovialité, d'humour grinçant et de bonne humeur. Sous une fausse candeur, l'auteur développe un thème qui lui est cher : faire entendre le droit à la différence, au refus de l'uniformisation qui guette notre société. Paasilinna fustige les multiples travers de la nature humaine et les comportements conformistes de notre monde individualiste et marchand.

Je félicite Anne Colin du Terrail, pour son excellente traduction, qui a su précisément faire ressortir le monde particulier et décalé de l'écrivain.

Bref, un livre frais, enthousiasmant, une vraie leçon d'Humanité que nous expose Paasilinna... A lire absolument !

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