mardi 29 mars 2011

Train d'enfer pour Ange rouge - Franck Thilliez

Franck Thilliez (né en 1973 à Annecy, ayant des racines nordistes) n'était pas prédestiné à se lancer dans l'écriture. Ingénieur en informatique, il est surtout un grand passionné de thrillers. Le succès rencontré avec La chambre des morts, adapté au cinéma en 2007, lui a permis de se consacrer exclusivement à son travail d'écriture.

Train d'enfer pour Ange rouge, publié pour la première fois en 2004 aux éditions La vie du Rail, est classé parmi les romans noirs et a pour personnage principal, le commissaire Franck Sharko.


Pocket, 436 pages
Le commissaire Franck Sharko vit dans la région parisienne et cela fait maintenant six mois qu'il n'a plus de nouvelles de sa femme Suzanne, disparue un soir, alors qu'elle rentrait de son travail. Il ne lui reste d'elle qu'une épingle à cheveux, retrouvée dans le parking de leur domicile. Il n'a de cesse de se remémorer les bons et les mauvais souvenirs. Il la recherche toujours dans l'espoir secret de la retrouver en vie. Il tente malgré tout de survivre à son absence, et s'accroche tant bien que mal à son travail pour ne pas sombrer dans la folie. Avant même de reprendre son service, l'avant dernier jour de ses congés, son supérieur, le commissaire divisionnaire Leclerc, lui intime l'ordre de retourner à la P.J., au 36 quai des Orfèvres à Paris, après la découverte du cadavre d'une femme. Assisté de son bras-droit, le lieutenant Sibersky, Franck Sharko se rend sur le lieu du meurtre et se trouve confronté à une scène atroce : le corps de Martine Prieur, jeune veuve de trente-cinq ans, est retrouvée suspendue dans sa chambre, grâce à un système complexe de cordes, de poulies et de crochets enfoncés directement dans la chair, dans une posture quasi religieuse ; la pauvre femme a été torturée, suppliciée, démembrée, sa tête décapitée et posée sur un plateau face à sa dépouille. Sharko et son équipe n'ont jamais vu une telle sauvagerie, ils en sont terriblement éprouvés. Une première analyse fait apparaître un tueur d'une froideur exceptionnelle, un tueur qui met en scène ses crimes d'une manière barbare et sophistiquée. Il n'y a aucune précipitation et surtout, le tueur ne viole pas, son "plaisir" consistant avant tout à faire souffrir aussi longtemps que possible ses victimes. Nul doute qu'il s'agisse d'un grand psychopathe. Plus tard, par l'intermédiaire d'un courriel, le commissaire Sharko entre en contact avec le tueur...


Mon avis : c'est la première fois que je lis cet auteur. Il s'agit d'un thriller assez palpitant et bien rythmé. L'intrigue est relativement cohérente, l'ambiance est angoissante. Notre commissaire Sharko est crédible et très attachant.

Franck Thilliez fait preuve d'une grande ingéniosité au niveau de l'histoire et montre une fascination pour l'investigation scientifique de la police. Il nous plonge dans un univers sombre et effrayant, celui représentant les bas-fonds du sadomasochisme, ces milieux qui ont pignon sur rue à Paris. Les scènes se déroulent principalement dans la capitale mais l'auteur nous entraîne également dans quelques villes du Nord Pas-de-Calais : Lille, Le Touquet...

Thilliez sait aussi ménager le lecteur, en glissant un peu de décontraction et d'humour, dans des dialogues parfois très drôles, entre policiers notamment, parmi les scènes plus tendues.

D'autres personnages importants gravitent évidemment autour de Frank Sharko : d'abord, Thomas Serpetti, son grand ami, un as de l'informatique, va être d'une grande utilité dans le déroulement de l'enquête (d'où l'usage de nombreux termes techniques ; n'oublions pas que Thilliez est informaticien de profession). Ses collègues, les lieutenants Syberski et Crombez. Ensuite, Elisabeth Williams, la psychocriminologue renommée, femme à l'autorité naturelle, donne des conférences auprès de la police et de la gendarmerie. Grâce à ses analyses poussées et précises, elle s'aperçoit vite que le tueur est un assassin hors du commun. Doudou Camélia, la voisine de palier de Sharko : cette vieille Guyanaise, octogénaire, possède un don de voyance. Elle lui confie sa certitude que Suzanne est toujours en vie et pressent que le Mal tourne autour du commissaire, sans pourtant connaître l'identité de cet homme sans visage. Enfin bien sûr, Suzanne, la femme du commissaire disparue de façon inexpliquée.

Pour ma part, ce livre m'a convaincu à moitié. J'ai deux réserves à l'égard de ce livre : la première est la plus évidente à mes yeux : le goût particulièrement morbide de l'auteur : les passages sanglants et sordides, l'autopsie circonstanciée de la première victime peuvent rendre la lecture difficile et en décourager plus d'un. Thilliez ne nous épargne aucun détail. Âmes sensibles, s'abstenir ! L'on peut en effet s'interroger sur le bien-fondé de ces descriptions de scènes de torture, elles sont d'une violence inouïe, d'une cruauté insoutenable. Certains lecteurs penseront au contraire qu'il n'existe aucun voyeurisme malsain car l'ouvrage réside principalement dans les interrogations sur la souffrance et le mal. Ces descriptions sont-elle vraiment nécessaires à la bonne compréhension de l'histoire ? Je reste persuadé que l'auteur aurait pu se passer de ces scènes inhumaines. La seconde réserve concerne le dénouement, assez médiocre et peu original, notamment le coup de génie miraculeux du commissaire que je juge quelque peu ridicule. La conclusion est trop prévisible et finalement bâclée. Une impression de déjà vu en réalité. On découvre ainsi très vite le nom du meurtrier. Je regrette d'ailleurs que le titre du livre soit si évocateur ; il nous dévoile le nom de l'assassin. Mauvais titre s'il en est. C'est fort dommage.

En résumé, ce thriller garde toute son efficacité - ce n'est certainement pas le meilleur du genre - en tout cas, une lecture très éprouvante, réservée à un public plus qu'averti.

samedi 19 mars 2011

Madame Bâ - Erik Orsenna

En matière de littérature contemporaine, Erik Orsenna n'est assurément pas un inconnu. Après des études de philosophie, d'économie et de sciences politiques, Erik Orsenna (né en 1947) entame une carrière d'enseignant puis devient, dans les années 1980, conseiller au ministère de la coopération et de la culture sous la présidence de François Mitterrand (1916-1996). Il est élu Membre de l'Académie française en 1998.

Je me penche aujourd'hui sur l'un de ses romans, Madame Bâ, publié en 2003. Cette histoire se déroule en Afrique, continent que connaît bien l'auteur.


Le Livre de Poche, 503 pages
Madame Marguerite Bâ, institutrice, est née en 1947 à Médine, au Mali, sur les bords de l'immuable et imperturbable fleuve Sénégal. Elle a grandi entre onze frères et soeurs et des parents qui s'affrontaient sans cesse : son père Ousmane, forgeron et sous-directeur de la chute d'eau et Mariama, femme traditionaliste. Marguerite est une femme de caractère, qui n'use pas de la langue de bois. C'est une femme passionnément éprise de sa terre natale, et voilà qu'elle s'insurge de voir les jeunes partir en masse vers les pays du Nord dont la France et chercher désespérément un eldorado qui n'existe pas. Elle est d'autant plus affectée qu'elle n'a pas vu son petit-fils Michel, élevé avec plus d'amour que ses autres enfants. Celui-ci a disparu dans la nature, recruté par des entraîneurs de football français peu scrupuleux. Sans nouvelles de lui, Madame Bâ décide de partir à sa recherche ; elle sollicite un visa de la France ; hélas sa demande est refusée temporairement. Déterminée, la grand-mère malienne fait front et avec l'aide d'un avocat, Maître Fabiani, se met à écrire une lettre franche au Président de la République française, omettant de temps à autre les considérations diplomatiques d'usage...


Mon avis : Erik Orsenna brosse le portrait d'une Afrique bercée par ses espérances, habitée par ses rêves brisés. C'est une Afrique chambardée mais tellement généreuse et inventive. Le lecteur le ressent.

Le procédé utilisé par l'auteur est original : la narratrice (Madame Bâ) retrace son histoire, en reprenant et en développant point par point les questions du formulaire administratif, le fameux 13--0021. Ce fac-similé austère est ainsi l'occasion pour elle de retracer son histoire familiale et avec elle l'histoire du Mali ; elle revient sur son passé, ses origines, sa jeunesse ; s'interroge sur sa vie, son identité ; elle nous relate des anecdotes qui ont émaillé sa jeunesse et nous livre aussi ses réflexions, tantôt avec gravité, tantôt avec humour.

Madame Bâ expose son discours sans fausse pudeur et fustige le sport de l'Afrique, le football, "cette activité épuisante et sans espoir" qui a ravi son petit-fils et de confirmer son opinion : "le football est un divertissement de manchots fainéants. (...) Une majorité de paresseux, les mains sur les hanches, contemplent l'activité frénétique de quelques camarades."

J'ai été enthousiasmé par ce roman, le récit tient en haleine malgré quelques longueurs. C'est un très beau livre, plein de sagesse, que je vous recommande.

vendredi 4 mars 2011

L'Abyssin - Jean Christophe Rufin

Jean-Christophe Rufin, né en 1952, a été successivement médecin, conseiller et ambassadeur. Il est élu en 2008 membre de l'Académie française. Ancien Président d'Action contre la Faim, son expérience de terrain l'a amené à se lancer dans l'écriture de quelques essais traitant du tiers-monde et de l'action humanitaire. Depuis une dizaine d'années, il nous offre également des romans historiques.

Il reçoit en 1997 le Prix Goncourt du premier roman et le Prix Méditerranée, avec l'Abyssin, roman historique et d'aventure par excellence.


Folio,699 pages
Jean-Baptiste Poncet, jeune médecin de vingt-huit ans, est apothicaire renommé au Caire, en compagnie de son associé Maître Jurémi. Un jour, il rencontre Alix, la fille de M. de Maillet, consul de France, dont il tombe éperdument amoureux. A son grand désespoir, celle-ci ne peut être accessible pour quelqu'un de son rang. Pourtant la providence lui sourit bientôt ; le consul lui demande de prendre la direction d'une ambassade dans la région de l'Abyssinie (Empire d'Ethiopie). En cette fin du XVIIe siècle, pour étendre son pouvoir, le roi-Soleil Louis XIV souhaite en effet entrer en contact avec le plus mythique des souverains d'orient, l'empereur d'Ethiopie, le Négus d'Abyssinie. Jean-Baptiste accepte cette mission délicate tout en voyant aussi un moyen d'acquérir la noblesse qui doit lui permettre d'épouser la fille du consul à son retour. C'est une chance extraordinaire pour cet homme qui rêve de voyage et d'amour. Il commence alors un magnifique et trépidant voyage initiatique, sur la route des épices, découvrant les belles et séduisantes contrées de l'Egypte et les montagnes de l'Ethiopie. Mais au gré de cette aventure palpitante cernée de rebondissements, Poncet prend conscience que la région est l'objet de la convoitise de nombreux groupes religieux ; il déjoue avec une intelligence brillante de nombreux pièges, notamment celui d'appartenir aux Jésuites ou aux Capucins. Libre-penseur, épris de liberté, Poncet décide alors de tout faire pour préserver l'authenticité de l'Ethiopie...


Mon avis : il s'agit indéniablement d'un excellent roman, le résultat est d'une grande qualité littéraire. Rufin a su dépeindre avec talent et beaucoup d'aisance l'atmosphère orientale, les fragrances et les couleurs. Les personnages sont superbes et sympathiques, le rythme est époustouflant. Le style et l'écriture sont évidemment de qualité, des mots judicieusement choisis, accompagnés d'un souci du détail historique.

Au-delà de cette magnifique histoire, simple et efficace, l'auteur nous invite à réfléchir sur l'intolérance sous toutes ses formes (religieuses notamment), des idées finalement bien contemporaines. Rufin plaide en faveur de l'humanisme et du bonheur et, nous expose une belle leçon d'émancipation féminine.

Au demeurant, ce roman pourrait paraître long (700 pages) pour un lecteur peu habitué mais Rufin sait nous emporter rapidement de sorte que nous sommes maintenus avec beaucoup de plaisir dans cette formidable intrigue.

Si vous vous délectez de ces romans mêlant aventure et voyage, je ne puis que vous le recommander. A lire sans hésitation !

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